L'envol du corbeau

L'endroit était sombre et mal aéré. Seul un timide rayon de lumière passait par l'étroite fenêtre. On pouvait sentir un affreux mélange d'odeur de sueur humaine et d'alcool en tout genre. Les tables tanguaient comme des bateaux et les chaises, pour la plupart, ne tenaient plus que sur trois pieds, témoins des nombreuses bagarres qui s'étaient produites dans ce trou à rat puant, délabré et bruyant. La taverne était un endroit ou les ivrognes avaient l'habitude de se donner rendez-vous, ils se retrouvaient là, autour d'une chope, chantant en cœur et rigolant comme de vieux amis se retrouvant. Le propriétaire était un petite homme, gros, fort et sympathique qui avait pour coutume d'écouter tout les malheurs de ses clients qui venaient à lui, les yeux rouges, la démarche hésitante d'un enfant faisant ses premiers pas, l'air pathétique d'un chien battu, l'haleine empestant la bière. Quant aux employés, en ce qui les concernaient, elles étaient deux, deux belles femmes, habillées légèrement, passant avec une démarche féline et agile entre les tables, ne réagissant plus quand un client tentait de les tripoter, ce qu'ils faisaient presque tous, « ce soir, si tu as de l'argent » se contentaient-elles de dire. Elles étaient pauvres et c'était le seul moyen qu'elles avaient trouvé pour pouvoir nourrir leurs familles, même si ça ne leur plaisaient pas de devoir satisfaire les envies de ces goujats.

La taverne accueillait principalement des hommes en détresse et des chasseurs de prime venant se renseigner sur leur proie, qu'ils traquaient tels des chats sauvages. On y trouvait donc beaucoup d'affiches, balafrant les murs blancs devenu jaunes à cause du temps et du manque d'entretien. Un homme, assez jeune, s'avança vers l'une d'elle. Il la lu attentivement et l'arracha brutalement. Il montra cette dernière et commença à dire:
« je vais tuer cette homme, je vais tuer Raven, que ceux qui veulent se joindre à moi le fasse savoir dès maintenant »
Le silence s'installa soudainement et tout les regards se tournèrent vers lui. Des visages étonnés se dessinèrent devant ce jeune homme sans expérience. «  il est fou » fini par lâcher un client. Le jeune inconscient monta sur une des tables-bateaux de la taverne qui hurla de douleur sous son poids. Le seul rayon de soleil semblait vouloir le dévisager, passant dans ses cheveux blonds coupés court, éclairant son visage sans imperfection.
« on nous paye pour se débarrasser de lui, et on nous paye bien, on ne va pas reculer devant ce criminel, Dieu sait combien les chasseurs de prime en ont tué » déclara-il.
Ses yeux bleus brillaient, il avait l'espoir de tuer cet assassin, cet homme devenu sa proie. Il avait l'espoir de toucher l'immense récompense, même s'il devrait la partager avec d'autres personnes.
«  tu ne comprends pas petit, lança un vielle homme, Raven n'est pas un homme, c'est un monstre. Il tue sans le moindre regret, il n'hésite pas à entacher sa peau blanche du sang de ses victimes. Ensuite, il les torture, ce régalant de leurs cris de douleurs. Une fois qu'il c'est lassé de ce spectacle il dépose une plume de corbeau albinos sur leur charogne massacrée puis il s'envole par dessus les toits, sans laisser la moindre trace qui permettrait de le retrouver. La seul information qu'on a sur lui et le récit fait par un malheureux, témoin de ces horreurs, qui a réussi à s'enfuir»
« Ce criminel ne peut pas être aussi terrible que tu le crois, vieillard, répliqua le jeune homme, tu n'as aucune preuve qu'il est tel que l'a décrit cet homme. »
« J'aurais essayé de te prévenir, puisse les dieux veiller sur toi. »
« Je te remercie de t'inquiéter pour moi, mais j'ai besoin de cette prime, même si je dois la partager avec d'autres personnes. Maintenant que ceux qui veulent se joindre à moi se manifestent »
Personne ne bougea. La scène semblait être figée, plus personne n'osait respirer. Un homme, grand et fort, pourtant s'avança d'un pas sur.
« Je vais veiller sur toi petit, hors de question que tu finisses ta carrière maintenant » dit il d'une voix roque.
Un autre homme s'approcha, il était mince et tenait un livre entre ses mains.
«  tu auras besoin de ma magie, faute de quoi tu ne survivras pas » déclara-il d'une voix mielleuse.
Des murmures se firent attendre. Certains disaient que ceux qui rejoignait le jeune homme était inconscient mais d'autres étaient admiratifs et vantaient leur courage.
Aussitôt plusieurs chasseurs de prime, voulant devenir de courageux héros, s'avancèrent et crièrent leur nom avant de se rassoir, on aurait dit un défilé de carnaval.

Personne ne se rendit compte que dans un coin sombre se trouvait un homme à la peau si blanche, si belle et si fragile. Personne ne vit ce fils de la lune aux cheveux si fins,d'un blanc semblable à la neige, cachant l'un de ses yeux que l'on pouvait supposer rouge à la vue du deuxième. Personne ne vit cet albinos vêtu de noir qui semblait sourire en regardant la scène. Personne ne vit cet homme, ressemblant à celui de l'affiche qui pensait « Je vais enfin pouvoir m'amuser, ça me manquait. »

Raven était la, assis en position fœtale sur le clocher de cette église. De la, il surplombait toute la ville, c'était une position stratégique, il pouvait guetter l'arrivé des chasseurs. Il faisait nuit à présent, son moment préféré, rare sont les personnes possédant des yeux pouvant traverser le voile de l'obscurité, par conséquent, on ne le voyait pas, mais pour lui c'était différent, habitué au lieu sombre à cause de son albinisme il pouvait deviner les formes des personnes, leur présence, entendre leurs bruits de pas, c'était comme si ses yeux perçaient l'épais et sombre rideaux de la nuit.
Cela faisait quatre jours qu'ils les attendaient, le combat allait enfin pouvoir ce dérouler, il les avait repéré, ils étaient à quelques kilomètres de lui. Il allait partir à leur rencontre. Une pensée vint le hanter, le sourire de cette petite fille quand il lui annonça qu'il allait revenir, le sourire de cet angelot écoutant son mensonge.

Il l'avait rencontré lors de son arrivée en ville, de nuit, le soleil allait pas tarder à se lever, il cherchait donc un endroit ou pouvoir se protéger de ses rayons ardents. En déambulant dans les rues étroites de la ville il passa devant une petite fille au trait angélique. Non, pas une petite fille, cette petite fille, cette petite fille semblable à une poupée de porcelaine, cette petite fille aux cheveux si blonds, si doux, si soyeux, cette petite fille aux yeux d'un bleu rappelant l'océan un jour de beau temps, cette petite fille à la peau si pale pareille à de la neige se trouvant sur les plus hauts glaciers. Elle le saisi par la manche et lui dit «Êtes-vous un voyageur ? ». Sa voix était douce, envoutante. C'était la voix d'un enfant gravement malade, au bord de la mort. Raven se retourna vers elle, plongeant ses yeux rutilants dans le regard rêveur de la jeune demoiselle. « Monsieur ? Venez donc chez moi, je serais ravi d'entendre les récits de vos voyages ». Il dévisageait ce bout de pureté, cet ange tombé du ciel. « Et moi je serais ravi de les raconter à une charmante demoiselle telle que toi » déclara-t-il. La petite fille le conduit à travers les rues étroites, ses pas claquaient sur les routes pavés, elle serait très fortement la main de Raven. Pourquoi se laissait-il entrainer dans cette histoire ? N'avait-il pas autre chose à faire ? Il ne pouvait pas lui refuser une tel chose, cette jeune femme lui ressemblait tellement. Ils finirent par arriver devant la grande porte de bois massif d'une petite maison. La jouvencelle entra et tira Raven vers l'intérieur. Le lieu était sombre, le peu de lumière qui pouvait rentrer était filtrer par d'épais rideaux de tissus. Elle l'emmena près d'un feu de cheminé chaleureux et réconfortant et le fit s'assoir sur un fauteuil en cuir confortable face à une femme semblant être très fatiguée. « Je suis désolé qu'Aelitah vous ai conduit ici, elle se sent si seule, elle est gravement malade et ne peut pas sortir à la lumière du soleil, même les doux rayons de la lune lui font un grand mal, elle ne peut rester dehors que peu de temps et elle a décidé de consacrer ce peu de temps à chercher des aventuriers pour qu'ils lui racontent leurs voyages. »
« Quel cruel destin. Je lui raconterais tout mes voyages, je suis ici pour un moment de toute manière »
« Je vous remercie » dit la femme en lui adressant un de ses plus beau sourire.

Raven resta de longues journées avec Aelitah. Il lui conta la plupart de ses voyages, il lui décrivit les paysages merveilleux qu'il avait traversé, les monuments impressionnants qu'il avait vu au cours de son periple mais il ne lui raconta jamais les horreurs qu'il avait vu, il ne lui raconta jamais ce génocide auquel il avait était témoin, il lui ne raconta jamais les guerres auxquelles il avait du participer, il ne lui raconta jamais les discriminations qu'il avait vécu,il était hors de question de raconter de tels choses à ce chérubin. La nuit, il allait sur les plus hauts bâtiments attendant les chasseurs de primes.
Au cour de son séjour, il appris qu'il ne restait plus beaucoup de temps à vivre à cette jeune fille. Il fini par décider de partir, cet enfant le touchait trop, c'était en train de devenir une faiblesse, on pourrait se servir d'elle pour le tuer. Il annonça son départ le troisième soir après son arrivé, le jeune ange lui sauta au cou et lui dit en pleurant « S'il vous plait, revenez me voir, ne m'oubliez pas, entendu ? » Raven lui répondit qu'il reviendrait, que jamais il ne l'oublierait, ce qui eu pour effet de lui arracher un petit sourire, puis il se dégagea délicatement de sa tendre étreinte et regarda la petite fille en larme ce qui lui fendit le cœur et l'émut grandement. Ce soir la, une immense douleur le parcouru, une douleur qui ne guérirait jamais.